Sirène ou nymphe des eaux ?
Vous connaissez tous des histoires de sirènes… Mais, parlons nous de sirènes ou de siréniens, néréides, naïades, océanides, quelle différence ?
Voici différents mythes, leurs sens profond, caché puis détourné il y a des siècles.
Dercéto
La constellation Piscis Austrinus représente deux poissons qui rappellent une vielle histoire près de l'Euphrate, un fleuve de Syrie : la chute de la déesse Dercéto dans le lac Hiérapolis. Au départ, un œuf tombé du ciel fut sauvé par des poissons, puis des colombes couvèrent l'œuf jusqu'à l'éclosion d'une femme, la déesse Derketo. Plus tard, les Romains allaient perpétuer une vénération à Dea Syria, littéralement la déesse syrienne, mais son vrai nom est "Atargatis" ou encore "Ataratheh", femme primordiale veillant à la sécurité, au bien-être des cités et du peuple, telle une déesse-mère nourricière. Toujours représentée avec colombes, symbole d'amour, et des poissons pour la vitalité et la richesse des mers, on la retrouve près des étangs et des lacs dont seuls les prêtres à son service étaient habilités à réaliser des offrandes. En tant que matrone de la nature, ses conditions rituelles étaient de préserver l'eau, la consommation raisonnée de toute forme de vie aquatique, dans le respect de quantité raisonnables pour l'humain. Egalement maitresse du Destin, elle représente les eaux de la vie, le liquide amniotique. La légende dit qu'elle s'éprit d'un jeune humain qui donna naissance à la reine assyrienne Sémiramis. Répudiée par les dieux pour avoir côtoyer un mortel, elle se jette dans le lac Ascalon, son corps se métamorphosé en poisson. Le culte s'est propagé aux confins des mondes antiques, sur l'ile grecque de Délos, en Sicile près de l'île de Motya, plus tard dans l'empire romain où elle reste vénérée par des esclaves et mercenaires étrangers. On note qu'Atargatis, autrement Derketo est associée au cosmos, principalement à la constellation des poissons, bien avant le culte artémisiaque. Elle protège les lacs, les étangs et les zones marécageuses fertiles en poissons, symbolisant aussi la procréation et les eaux de la grossesse.
Est-ce pour autant une sirène ?
Ce culte prend origine dans les légendes sumériennes puis babyloniennes des Oannès, des prêtres portant une cape d'écailles en forme de poisson. Ils émergeaient de la mer tous matins, symbolisant les mystères de la guérison et de la fertilité, le pouvoir du soleil comme remède à la vie. Les Apkallu sont des « carpes saintes », créatures d'Éa, maître de l'Apsû, la nappe d'eau douce placée sous la surface de la terre d'où proviennent tous les cours d'eau irriguant la terre. C'est le lien entre l'eau et les savoirs. Ainsi ces sages Apkalus, des Oannès, tracent les mythes de futurs cultes des êtres pisciformes. Les textes ont oubliés au fil des âges qu'ils étaient accompagnés de 7 femmes, sages… Nous venons de retracer des histoires qui ont imprégné l'inconscient collectif sur des millénaires de dévotions, de respect envers la nature et de transmission des savoirs grâce à l'eau. Tout cela se déroule bien l'âge de bronze, pendant l'âge de fer, 1200 à 800 ans avant notre ère, avant même l'idée d'une "sirène" telle que nous la concevons aujourd'hui.
Parallèlement, des cultes à des divinités piciformes peuplent les mondes les plus éloignées, en Afrique, une femme animale, exotique, sauvage et indomptable est vénérée pour la fertilité. En Amérique du Sud, la nymphe Pincoya, un esprit de l'eau aux longs cheveux blonds, exécutait une danse rituelle pour que le peuple sache reconnaitre les moments propices pour la pêche. Lorsqu'elle dansait dos au rivage et face aux montagnes, la pêche était infructueuse, face à la mer, les produits de la mer allaient les nourrir, bancs de poissons ou coquillages….
Etrangement, les dogons, peuple du Mali qui vénèrent Sirius, nous transmettent une histoire remontant à une grande exode entre les côtes maritimes de la Lybie vers leur terres actuelles en plein cœur de l'afrique. Ils auraient transporté des savoirs transmis par un peuple vivant dans les eaux de mer, des esprits savants, hybridés, mi hommes mi poissons.
Toutes ces histoires ancestrales évoquent des dévotions envers des eaux sacrées représentées par des esprits aquatiques qui n'ont rien à voir avec des sirènes.
Vers 800 av. J-C, les philosophes grecs peut-être inspirés des récits mésopotamiens, évoquent des créatures aquatiques mais aussi des sirènes. Mais voilà, celles-ci ne sont pas du tout des êtres des eaux, ce sont des oiseaux !
En effet, le liv. XII de l'Odyssée nomme pour la première fois des Seirènes vivant sur l'île d'Anthémoessa entre Charybde et Scylla, une ile des côtes italiennes. Grâce aux conseils de la magicienne Circé, Ulysse résiste aux chants des femmes oiseaux, les sirènes. Les navigateurs qui s'aventuraient près de l'île des cruelles créatures, se voyaient faire naufrage, dévorés sans pitié. Ulysse, solidement attaché au mât du navire, ordonne à ses compagnons de se boucher les oreilles avec de la cire pour résister aux sonorités criardes des femmes ailées. Alors, d'où viennent ces sirènes homériques ? Ce sont les filles du dieu fleuve Achéloos et de la muse Calliope, tous deux esprits de la nature. Ainsi, Parthénopé jouait de la lyre, Lydie jouait de la flûte, Leucosie déclamait des textes. Simples mortelles dévouées à Perséphone, elles avaient demandé des ailes aux dieux pour sauver la déesse Perséphone disparue dans les entrailles de la terre, symbolisant le cycle des saisons. Devenues muses et prêtresses, elles déclament des prophéties, des chansons inspirées par Hadès, des initiations aux lois de la nature. Refusant que des jeunes terrestres s'attirent les bonnes grâces des dieux Olympiens, Aphrodite et Héra les défient dans un concours de chant. Vaincues, les Muses ailées durent arracher les plumes pour leur faire des couronnes, condamnées à être statufiées. Blessées, devenues sournoises, elles tourmentent alors les marins par leurs chants, les entrainant vers une vaste prairie jonchée d'ossements, destinés à une mort sûre.
Toujours au VIIIe siècle, l'épopée de Jason et des argonautes, repris au cours des siècles par Hésiode jusqu'aux métamorphoses d'Ovide au 1er siècle parlent des femmes mi humaine, mi oiseau. Jason et ses compagnons sont aidés par Orphée qui chante et joue de la musique pour couvrir couvre le chant des sirènes si bien que, vexées, elles se jettent en mer, métamorphosées en rochers. Nous retrouverons de nouveau une intervention divine pour sauver des héros et un destin d'êtres oiseaux à qui ont coupe la pouvoir de voler pour se retrouver pétrifier dans les eaux.
Au IIIe av. J-C, le Livre d'Hénoch, bible hébraïque de l'époque hellénistique, évoque des anges déchus en rébellion contre le divin qui allèrent se cacher sur terre, accouplés à des humaines pour engendrer des enfants au corps de poissons.Ces sirénes ailées, ne sont pas à confondre avec les harpies au corps de vautour, aux plumes nauséabondes et aux serres griffues. Ces créatures de l'antiquité grecque représentent la vengeance, elles dévorent les énergies et les enfants. Quant aux Erinyes, avec de grandes ailes aussi et une chevelure de serpents comme les Gorgones, elles sont nommées les Furies par les Romains. Etrangement au nombre de 3, aussi Alecto, Mégère et Tisiphone. Idem dans la mythologie slave : Sirin, Alkonost et Gamayun, 3 femmes oiseaux prophétiques au chant qui provoque l'oubli mais prédit l'avenir à ceux qui savent écouter. En Egypte, Ba un oiseau à tête humaine, est médiateur entre les mondes. Il représente l'énergie de communication, de transformation et de déplacement de chaque personne, une énergie.Dès la stadardisation des cultes par Alexandre le grand, les culte féminin sont estompés, transformés, l'Empire romain confond les sirénes ailées avec les Néréides, les cinquante filles du dieu Nérée et de Doris, une descendante du Titan Okéanos. Les Néréides sont des nymphes de l'eau, au même titre que les naiades, les océanides, les potamoi et parmis plus de 300 catégories de nymphes....
Lorsqu'une Néréide sort de l'eau, elle flotte légèrement au-dessus-du sol. Pour se protéger, elle peut utiliser une magie basée sur l'eau et le froid. Ses pieds sont considérés comme des porte-bonheur.
Parlons également de Scylla, ce monstre marin dans le détroit sicilien associé à Charybde. Ici la femme poisson est dans la mer et non les eaux. Sa voix s'entendait comme des aboiements de chiens. On retrouve donc une idée sonore comme les sirène oiseaux. Pourtant, c'est de nouveau la magicienne Circé qui intervient dans sa transformation. Scylla était à l'origine une jeune fille qui rejoignait les nymphes de la mer en nageant. Mais Circé jalouse que la mortelle attire le regard des dieux, jette des herbes magiques empoissonnée de l'eau de sa baignade métamorphosant le bas du corps de Scylla en queue de poisson. Une métamorphose. Alors, vous aviez cette image de femme poisson, nommée siréne, qui s'estompe… représentez-vous l'image de femmes ailées, la sirène…. Puis, celle d'une femme pisciforme, vous le savez dorénavant, son nom est néréide.